Albert Tévoédjrè écrit à Yayi et lui fait part de ses inquiétudes (Il lance le tome 2 de son ouvrage « Chrétien et responsable dans la cité »)
Depuis quelques temps, le professeur Albert Tévoédjrè, Médiateur de la République du Bénin a semblé prendre du recul par rapport à l’actualité politique nationale. Le climat plutôt morose des affaires et la situation socio politique en général suscitent des interrogations et des inquiétudes chez ce vieux routier de la scène politique au point de le contraindre à sortir de son mutisme.
C’est justement pour cette raison qu’il a adressé une correspondance au chef de l’Etat, référencée N°143/MR/DC/SP-C du 10 juin 2012. Une correspondance dont la presse avait fait échos en son temps sans en publier le contenu. Aujourd’hui, c’est chose faite car, l’embargo qui a été placé sur sa diffusion est maintenant levé. Dans cette lettre, le Médiateur de la République tire la sonnette d’alarme sur le niveau actuel des activités du Port Autonome de Cotonou, la gestion de l’économie du coton béninois, le désert qui s’observe dans les établissements bancaires et financiers, la récente montée en première ligne des forces armées et forces de sécurité dans un conflit de caractère économique et commercial et autres. Pour Albert Tévoédjrè, tout ceci inquiète à l’intérieur du pays te suscite des interrogations dans les Etats voisins et génère des doutes parmi les partenaires habituels. Il appelle enfin à un « sursaut patriotique » urgent. Lire l’intégralité de sa correspondance au premier magistrat du pays. Par ailleurs, le professeur Albert Tévoédjrè a profité de l’occasion d’une séance d’échanges avec la presse pour présenter, le tome 2 de sa plaquette intitulée « Chrétien et responsable dans la cité ». C’est un ouvrage dédicacé le 1er août 2012. Dans la substance de l’Avant Propos signé le 15 août 2012, Albert Tévoédjrè propose un texte de réflexion aux compatriotes béninois chrétiens catholiques. Il précise ce qui suit « aucun pays n’est exempt de crises ou de difficultés. Notre Bénin vit aujourd’hui des moments difficiles que nul ne pouvait prévoir et nul n’est exempt de responsabilité dans tout cela. Il est normal que les autorités religieuses et spirituelles nous aident à voir clair en nous pour agir au mieux de l’intérêt de tous. C’est dans ce cadre que les débats qui se mènent actuellement à tous les niveaux nous permettent de préciser notre propre contribution ». Aussi, l’auteur ajoute que l’église catholique a joué dans ce sens un rôle majeur dans notre pays. Elle ne peut que le poursuivre par des initiatives voulues dans l’unité par sa hiérarchie apostolique, son clergé et ses fidèles. Selon lui, c’est dans ce sens que les Assises catholiques pour un engagement des chrétiens dans la cité nous offre une chance à ne pas gaspiller. « Ici la responsabilité est collective, elle est catholique…Quoique nous fassions, le temps de chacun passera et l’histoire jugera ».
Ismail Kèko
L’opportunisme de Tévoédjrè
De la médiation à la critique, l’exercice paraît bien malaisé. Mais grâce à sa grande ruse qui lui a valu le surnom de «renard», le Médiateur a réussi son exercice. Dans la trame de sa lettre au Chef de l’Etat, il transparaît clairement les traces d’une grosse déception face à la gestion du pouvoir par son poulain qu’il s’est battu bec et ongle pour imposer sur l’échiquier politique en 2006. Il est évident que Yayi est vraiment en difficulté. Il est même dans le ravin. L’économie est exsangue, la crise politique est de plus en plus préoccupante et sur le front social, les grognes de travailleurs, de sans abris et de femmes de marché sont persistantes. Mais est-ce qu’il revient à Tévoédjrè de se mettre à alerter, à dénoncer pour montrer qu’il est contre. Il devait normalement chercher à conseiller et à aider à trouver des solutions à la crise. Une autre posture serait assimilée à de la félonie politique. Lui qui s’est beaucoup investi pour la victoire de Yayi. Et celle adopté à travers cette lettre manque de sagesse et montre tout le côté lunatique du personnage qui, tel Ponce Pilate, lave les mains et livre Jésus à ses ennemis.
Marcel Zoumènou
Lire la lettre de Tévoédjrè à Boni Yayi
République du Bénin
Le Médiateur de la République
N°143/MR/DC/SP-C
A Monsieur le président de la République, Chef de l’Etat, Chef du gouvernement.
Cotonou
Objet : Situation économique et sociale
Monsieur le président de la République,
Je viens vous remercier très sincèrement de votre généreuse attention pour les soins de santé auxquels je dois me soumettre depuis quelques semaines et qui, je l’espère, seront maîtrisés dans un très proche avenir.
Malgré cette situation de ralentissement provisoire d’activités- j’ai poursuivi l’observation soutenue de notre vie quotidienne, quelle soit politique, économique ou sociale.
Une écoute régulière de nos concitoyens et de nos responsables à tous les niveaux- responsables politiques, syndicaux, religieux, etc., une lecture même superficielle des journaux de toutes tendances, une interprétation intelligente du silence têtu de certains acteurs étrangers, tout nous oblige à constater une inquiétude générale qui s’épaissit.
Connaissant votre bonne foi et votre dévouement sans limites ainsi que le sens élevé de l’intérêt général qui vous habite, il est de mon devoir de vous encourager respectueusement à prendre en compte très sérieusement une telle situation.
L’actuel niveau du Port autonome de Cotonou par rapport à celui de Lomé-vous le savez mieux que quiconque-, la vive querelle publique affectant la gestion de l’économie cotonnière, le désert qui s’observe dans les établissements bancaires et financiers, la récente montée en première ligne des forces armées et des forces de sécurité dans un conflit de caractère économique et commercial, tout cela inquiète à l’intérieur du pays, suscite des interrogations dans les Etats voisins et génère des doutes parmi nos partenaires habituels…
Certains n’hésitent pas à nous le faire observer : une démarche politique qui nous conduirait à prendre de gros risques dans le même temps sur plusieurs fronts à la fois ne peut nous épargner l’éventualité d’un accident majeur à un moment ou à un autre.
Nous avions proposé dès le début de ce nouveau quinquennat une « rencontre de vérité et de sursaut patriotique ». Cela n’a pas pu se réaliser même en différant l’exercice qui nous paraissait à la fois opportun et nécessaire.
La situation actuelle appelle en urgence sous un format très étudié pour être efficace un tel dialogue de vérité et de relance, sans chercher des autojustifications devenues désormais sans objet, car le mal est fait et c’est ce mal qu’il faut prendre courageusement en charge pour libérer le pays.
Si donc, après les contestations appropriées dans la ligne de vos récentes consultations politiques, vous pouviez prendre une initiative de salut public pour un dialogue fructueux avant le 1 er août prochain, je suis persuadé que la nation entière vous en serait reconnaissante et serait rassurée sur notre proche avenir.
Dans un pays où fonctionnent normalement une Assemblée nationale et des institutions de contre pouvoir, un pays dans lequel une loi votée à l’unanimité a permis d’instituer un Médiateur de la république et où l’on peut noter l’action patiente et déterminée d’un Haut commissaire à la gouvernance concertée, il y a moyen d’affirmer une discipline républicaine par le dialogue et le respect des droits de chacun.
Je suis persuadé que votre Haute autorité accordera sa bienveillance à mon humble démarche. Elle vise uniquement à vous redire la responsabilité sincère du Médiateur de la république, sa confiance en votre lucidité et à votre engagement sans limite pour le développement harmonieux de notre commune patrie. Il s’agit d’une modeste contribution à laquelle j’associe volontiers toute autorité publique concernée.
En vous remerciant encore de votre généreuse attention, je vous prie de recevoir, Monsieur le président de la république, l’expression renouvelée de ma très haute considération et l’assurance respectueuse de mon fraternel dévouement.
Albert Tévoédjrè
AGIR ENSEMBLE ~ ACT TOGETHER
Tévoédjrè vous n'avez pas honte quand vous vous présentez devant les journalistes. Vous n'avez plus aucun crédit aujourd'hui.
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