jeudi 17 janvier 2013
Restauration de la gouvernance démocratique au Bénin: une conférence nationale devient urgente
(La Presse du Jour 16/01/2013)
La conspiration du silence commence à faire le lit à toutes les situations inimaginables au Bénin. Le gouvernement et le Parlement continuent de conduire le peuple à leur volonté dans une incertitude certaine. Une conférence nationale tape urgemment aux portes du Bénin pour remettre les pendules à l’heure.
Il y a quelques semaines, un citoyen béninois s’est permis de se demander qui dirige le Bénin. D’autres voix avant lui avaient crié à la conspiration du silence pour demander au peuple de se réveiller. Car, tout le monde, fatigué de parler sans voir le changement, s’est résigné. Il y a quelques heures, une autre personne est montée au créneau implorer l’audace de l’action pour l’endiguement du déclin. Ce sont là des cris de cœurs et des inquiétudes partagés un peu partout chez les citoyens qui ne sont pas alignés aux vaches à lait du pouvoir. Ceux qui ne rendent pas visite au Palais, ceux qui ne sont pas dans les champs de coton et ceux qui ne lèchent pas les microcrédits sont réellement inquiets. Dans le quotidien des Béninois, seules les questions de gouvernance de l’Assemblée nationale et de l’Exécutif préoccupent. Le rythme de vie des populations est en réalité perturbé par les actes que posent leurs gouvernants.
Il y a quelques mois, les populations ont été perturbées par la gestion de la mise en œuvre du programme de vérification des importations nouvelle génération. Les douaniers qui apportent les fonds à la caisse de l’Etat de par leur travail ont été bousculés par l’Exécutif et le Parlement a scellé leur sort en votant une loi pour restreindre leurs actions.
Des conséquences fâcheuses
Des centaines de jeunes ont perdu leurs salaires suite à la mise entre parenthèses en son temps de l’entreprise Bénin Control Sa qui s’annonçait comme une aubaine. Par la suite, c’est la gestion de la filière coton qui a bousculé la quiétude des Béninois et le gouvernement, contrairement aux normes établies, s’est retrouvé gestionnaire du coton. Les ministres depuis des mois désertent les bureaux pour s’occuper du coton à toutes les phases alors que les caisses de l’Etat payent des cadres et agents du Ministère de l’Agriculture avec les démembrements à cet effet. Les opérateurs économiques n’ont pas manqué de subir les conséquences de la gestion de ces dossiers. Les femmes des marchés et surtout les jeunes ont vécu des moments difficiles, particulièrement ceux qui attendent un premier emploi et qui vivent sous le dos des maigres ressources de leurs parents après de grandes études. La fin de l’année 2012 en a témoigné dans les foyers.
Pour créer une accalmie, le secteur public et le secteur privé ont été réunis en table ronde par le gouvernement. Mais les conclusions et recommandations n’ont pas connu de mise en œuvre réelle jusque-là.
A peine vivait-on ces crises qu’une affaire de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat a mis en émoi tout le peuple béninois, avec une forte psychose qui ne permettait plus les discussions ou les débats. Seuls ceux qui soutenaient la thèse avaient droit aux antennes et aux marches dans les rues. Le peuple majoritaire a vécu cela la mort dans l’âme, sans oublier la kyrielle de scandales financiers au sommet de l’Etat. Des milliards détournés sont évoqués comme s’il s’agissait d’une partie de jeu.
Au plan social, les travailleurs de plusieurs ministères ont soulevé depuis toujours des mécontentements par rapport à leurs conditions de vie et de travail. Des menaces de grève ont été gérées cahin-caha jusque-là. Le secteur éducatif a vécu en permanence le drame de la perturbation avec des conséquences certaines sur l’avenir des élèves. Personne ne sait d’ailleurs aujourd’hui si les élèves concluront l’année scolaire, puisque les menaces sont encore là. Les parents d’élèves ont brillé pendant toute cette période par leur silence qui faisait le lit à l’indifférence des autorités.
Le dialogue entre les syndicats et le gouvernement est crispé et chacun campent sur sa position.
Débâcle politique
Bien malin le Béninois qui pourra dire aujourd’hui en quoi tient la gouvernance politique au Bénin. Quel est le ministère qui travaille réellement au Bénin et peut faire un point détaillé des activités journalières liées à son statut ? Combien de ministres s’occupent au moins quatre jours sur cinq des problèmes réels de leur ministère et peuvent faire le point de l’évolution réelle des dossiers ?
Combien de cadres seront honnêtes de déclarer que les nominations et recrutements opérés dans l’administration publique depuis environ quatre ans sont basés sur des critères de compétence et de règlement efficient des besoins de ressources humaines? Combien de cadres ou personnes recrutées par l’Etat béninois accepteront fièrement de subir des contrôles de leurs réelles capacités pour les postes qu’ils occupent ?
L’administration béninoise est-elle dépolitisée après le rapport du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep) d’il y a quelques années ? La situation n’a-t-elle pas empiré depuis quatre ans ?
Quel Béninois sérieux est fier de l’organisation, du déroulement et des résultats des élections de 2011 alors que la liste électorale permanente informatisée (Lépi) n’existe pas ? Qui peut relever le défi de la honte nationale en publiant dès demain sur internet la Lépi ? Voilà le drame politique que traîne le Bénin de la refondation. Qui en est fier ?
Les députés au Parlement sont-ils fiers de ne pas avoir aujourd’hui une liste électorale fiable pour les élections municipales, communales et locales de 2013 ? Sont-ils aussi fiers de ne pas connaître la date des élections ou tout au moins le mois réel ? Qui des députés est fier de n’avoir pas commencé la mise en place des organes de gestion des élections municipales, communales et locales de 2013 ?
Dans le rapport entre le Parlement et le gouvernement, le dialogue à sens unique entre le Chef de l’Etat et sa mouvance est-il l’exemple de la bonne collaboration entre institutions ?
La rupture de dialogue entre l’opposition politique béninoise et le Chef de l’Etat n’interpelle-t-elle personne ? Aucun homme de la mouvance ne comprend-t-il pas qu’il faut à tout prix établir un canal pour le dialogue ? L’opposition serait-elle ainsi fatiguée d’œuvrer pour le dialogue nécessaire entre le Chef de l’Etat et elle ?
Chacun est-il fier dans sa position de voir le Bénin tel qu’il est aujourd’hui et tel qu’il est conduit ?
Le gouvernement et le Parlement sont-ils fiers de faire la risée des populations au sujet de la corruption et de la mauvaise gestion ? Acceptent-ils d’être ceux qui cautionnent les scandales de plusieurs milliards depuis l’affaire Cen-Sad en 2008, en ne votant aucune levée d’immunité contre les ministres ? Malgré la marche et le vote d’une loi contre la corruption, que veulent-ils pour mettre les ministres à la disposition de la Haute Cour de justice ? Le comportement de ces institutions exprime-t-il une conviction de la culpabilité des ministres cités dans des affaires de mauvaise gestion ? Devrait-on prêter foi à une révision de la Constitution par rapport à la Haute Cour de justice si tant est que les mêmes qui ne votent pas maintenant pour saisir la Cour, ce sont eux qui sont appelés à alléger la procédure ?
Voilà autant de situations qui montrent aujourd’hui que le Parlement et le gouvernement ont la responsabilité de la perturbation et des inquiétudes que vivent les populations béninoises depuis des mois voire des années. Le quartier Latin n’oserait crier fierté.
Et pour mettre tous les problèmes sur tapis et y proposer des solutions adéquates et consensuelles, il apparait urgent de convoquer une conférence nationale. Elle aura l’avantage de rappeler à chacun sa place et son rôle dans la cité. Mieux, il faudra trouver des mécanismes pour qu’une poignée de gens ne disposent pas à leur guise de la vie et de l’avenir de la majorité. Le peuple béninois n’a pas tort d’être analphabète du français. Et il n’est pour autant pas bête. C’est pour cela que pour tisser la toile de la paix que chantent beaucoup de gouvernants, et face à leur incapacité à dialoguer, il faut créer le large et représentatif forum de la nation toute entière à travers une nouvelle conférence des forces vives de la nation. C’est une porte de sortie pour réunir au milieu d’autres entités les frères ennemis qui ne se parlent plus, afin de sauver le Bénin.
Junior Fatongninougbo
© Copyright La Presse du Jour
AGIR ENSEMBLE ~ ACT TOGETHER
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire