mardi 31 juillet 2012
Abdoulaye Bio Tchané au sujet de la situation économique nationale : « Ce qui nous arrive n’est pas une fatalité, des solutions existent »
(Le Matinal 31/07/2012)
Le président Abdoulaye Bio Tchané a apprécié la situation socio-économique nationale hier, lundi 30 juillet au cours d’un entretien accordé à la presse à son domicile. Selon l’ancien candidat à la présidentielle de 2011, le Bénin traverse une crise face à laquelle le gouvernement est « incapable d’apporter des solutions ». Mais il a rassuré les populations de sa détermination à les soutenir en ce moment difficile, à travers diverses actions. Lire l’entretien.
Le Matinal : Président Abdoulaye Bio Tchané, nous sommes à la veille du 1er août, fête nationale du Bénin, que vous inspire ce 52ème anniversaire ?
Abt : Bonjour ! Je suis tout aussi heureux de vous recevoir. Je pense que nous devrions tous, en tant que Béninois, être fiers de célébrer 52 ans de notre indépendance. Ce n’est pas rien, nous avons célébré, il y a deux ans déjà le cinquantenaire, et c’était déjà à mon sens un nouveau départ. Il faut que nous saisissions cette occasion aussi pour revisiter tout ce que nous avons fait et relancer notre pays. C’est pour cela que je dis que je suis fier que nous célébrions 52 ans. Mais en même temps, 52 ans, c’est un appel à de nouvelles résolutions. Cela dit, je souhaite bonne fête à toutes les Béninoises et à tous les Béninois.
Quelle lecture faites-vous de la situation socio-économique et politique du pays ?
J’ai récemment visité de nombreuses localités de notre pays, notamment Placodji, Ifangni, Kétou, Dangbo, Abomey, Sèmèrè, Djougou, Parakou, Banikoara, Gogounou pour ne citer que celles-là. Partout, j’ai vu les conditions difficiles dans lesquelles vivent nos compatriotes. J’ai souvent vu la pauvreté et j’ai parfois rencontré la précarité. Nous sommes tous d’accord, gouvernement, opposition et société civile, sur le fait que cela ne peut pas continuer. Il faut donc apporter des solutions. A ce sujet, il me semble évident que si le gouvernement avait les solutions, il les aurait déjà mises en œuvre. Comme vous tous, je constate malheureusement que le gouvernement est dans l’incapacité d’apporter des solutions à ces problèmes. Et c’est pour cela que j’ai suggéré, il y a quelques mois, qu’ensemble, tous les acteurs politiques, la société civile et tout Béninois qui a une opinion, puissent venir apporter leurs solutions, faire des propositions, les confronter à ce que pensent les autres, autour de ce que j’ai appelé une conférence nationale sur les réformes économiques. Je crois, au regard de la situation actuelle, que c’est plus qu’opportun qu’on aille dans ce sens. Bien entendu, j’ai mes propres propositions, mais je voudrais les confronter avec celles des autres Béninois qui sont tout aussi intelligents, étant donné que nul ne saurait détenir, à lui tout seul, les solutions idoines. Et c’est en cela que je souhaite vivement que le gouvernement prenne au sérieux cette initiative que je suggère.
C’est vrai que le pays vous tient à cœur, mais d’aucuns vous reprochent souvent de ne pas être présent sur le territoire national et sur la scène politique. Que répondez-vous à cela ?
J’espère que ce n’est pas très souvent et qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui le disent. D’abord parce que je vis désormais au Bénin, j’y travaille et dans le même temps, je voyage beaucoup à l’intérieur du pays. Je vous ai cité tout à l’heure quelques localités que j’ai sillonnées récemment et je vais continuer par le faire, parce que je veux connaître un peu plus les préoccupations des béninois. Je veux qu’ils m’écoutent aussi, et ça, on ne peut pas le faire en étant tous les jours à Cotonou ou sur les médias pour commenter l’actualité politique. Je crois que chacun doit jouer son rôle. Certains s’arrogent les rôles des autres, mais moi je veux rester dans le mien qui est celui d’un acteur de développement. Et c’est pour cela que je préfère être là où on peut écouter les Béninois, les comprendre et leur apporter des solutions. Encore une fois, ma priorité, c’est d’apporter des solutions, et c’est là le sens de mon engagement politique.
Votre mot de fin, Monsieur le Président.
Je voudrais exprimer ma solidarité à l’endroit de nos compatriotes qui traversent actuellement une crise socio-économique difficile. Je veux dire à tous ceux qui désespèrent que ce qui nous arrive n’est pas une fatalité. Des solutions existent, et il nous faut rester confiants en l’avenir. Restons fidèles à la devise du Bénin : cultivons la Fraternité, encourageons la Justice et mettons-nous résolument au Travail. Bonne fête de l’Indépendance à toutes et à tous, et que Dieu nous bénisse !
Propos recueillis par AT
© Copyright Le Matinal
jeudi 5 juillet 2012
Gouvernance au Bénin : les ingrédients d’une “République Bananière”?
A moins d’être aveugle, sourd et insensible aux problèmes de gouvernance auxquels le Bénin se trouve aujourd’hui confronté, on est en droit d’être inquiet du type de République vers laquelle nous évoluons.
Il y a déjà quelques années, notamment au cours du premier quinquennat de ce régime, quelqu’un avait déclaré que “nous avons touché le fond”. A présent, nous sommes nus de la tête aux pieds au plan de la gouvernance, C’est peu dire d’affirmer que la gouvernance de notre pays est devenue “folle”. Oui, nous avançons lentement vers une République bananière et toutes les analyses le confirment.
Selon Wikipédia, « le terme république bananière désigne à l’origine un pays peu développé, dont l’industrie repose typiquement sur la seule production de bananes, et dirigé par une petite ploutocratie autoritaire. Par extension, l’expression est utilisée pour qualifier, de manière polémique ou satirique, toute forme de régime politique considéré comme dictatorial ou corrompu. Cette expression s’est par la suite étendue aux pays qui, sous les apparences de républiques constitutionnelles, ne sont en fait que des dictatures »
Au-delà, la notion de « république bananière » est couramment employée dans un but polémique, pour qualifier des faits supposés de corruption ou d’abus du pouvoir. Et voici les faits qui nous rapprochent d’une telle République.
Amoussou et Sèhouéto, des prophètes dans leur pays
Le premier exploit de celui qui a pris les rênes du Bénin le 06 Avril 2006, à l’issue d’une élection présidentielle plébiscite, gagnée à 75%, c’est d’avoir confirmé la prophétie de deux hommes politiques qui ont pourtant contribué à son avènement au pouvoir. Il s’agit de Bruno Amoussou, alors Président du Parti Social Démocrate (PSD) et de Lazare Sèhouéto, Président du Parti politique Force Clé. Le premier, dès janvier 2006, avait déclaré, s’agissant du candidat Boni Yayi, qu’il ne croyait pas à la génération spontanée en politique. Quant à lazare Sêhouéto, il n’a pas hésité, dans l’entre-deux tours du scrutin et devant la forte poussée des populations en faveur de l’homme qui incarnait le changement, qu’il avait la conviction que le peuple s’est trompé, mais que son parti suivra tout de même la volonté du peuple. Adrien Houngbédji ajoutera le 19 Mars 2006, jour du second tour du scrutin, “qui va changer qui et qui change quoi?”
Aujourd’hui, par son style de gouvernance, son incapacité à apporter une réponse claire, cohérente et programmée aux préoccupations des populations, par sa volonté de “renverser la table du dîner” et mettre en mal la démocratie béninoise et enfin par sa focalisation sur les problèmes extérieurs, le Président de la République les a faits prophètes dans leur propre pays. Le second a d’ailleurs le mérite de n’avoir jamais participé aux gouvernements successils de Boni Yayi, malgré tous les appâts et les tentations orchestrés pour attirer son parti ou ses militants.
1. Une volonté de réussir jamais égalée et des énergies déployées qui n’aboutissent jamais a grande chose
Une seule chose sur laquelle personne ne peut remettre l’honnêteté du Chef de l’Etat en cause, c’est bien sa volonté farouche de réussir contre vents et marrées, la mission à lui confiée en Mars 2006 par le peuple béninois. Sa détermination à opérer le changement attendu par le peuple et opportunément incarné et porté par lui restera dans la mémoire du peuple béninois comme l’une des références de notre histoire. En témoigne l’énergie qu’il a déployée au début du premier quinquennat et qui a motivé les sorties fréquentes et parfois impromptues sur le terrain de l’homme du changement. Il est juste qu’hommage lui soit rendu pour son engagement aux côtés du peuple, parce que sensible à la misère ambiante. Malheureusement, la volonté et la détermination quel que soit leur degré et leur intensité, ne suffiront jamais pour réussir au sommet de l’Etat. Et le Président de la République l’apprend à ses dépens, le peuple aussi d’ailleurs involontairement, lui qui est toujours la victime expiatoire, en raison de son niveau bas d’instruction dans sa grande majorité et qui peut facilement confondre l’humilité d’un homme avec son efficacité et sa capacité à résoudre ses problèmes. .
2. Le K.O. à tout prix qui illustre le manque de dignité et d’amour réel pour la patrie
Que le Président de la République et ses soutiens acceptent de souffrir que nous revenions sur le KO dont le pays traîne et traînera encore les séquelles pendant longtemps. De mon point de vue, ce KO, réalisé dans un contexte qui s’explique et qui se comprend aisément, symbolise le manque ou l’insuffisance d’amour réel du Président pour le Bénin et ses compatriotes. Celui qui aime un peuple ne le proclame d’ailleurs pas a tous les coins de rue. Mais plutôt, Il le démontre par la pertinence et l’utilité de ses actes au profit de son peuple et la grandeur de ses gestes pour le peuple. Disons-le tout net, la grandeur des hommes d’Etat se mesure à l’aune de leur capacité à consentir les sacrifices nécessaires dans l’intérêt de leur pays, lorsque les circonstances l’exigent. Le Président Soglo a perdu l’élection présidentielle de Mars 1996, après une relance économique sans précédent et alors que les principaux indicateurs socio-économiques du Bénin étaient bons. Battu par son prédécesseur le Général Mathieu Kérékou, il s’est retiré dans la simplicité, malgré sa surprise face à son bilan élogieux, au plan économique tout au moins. Le bilan du Président sortant en Mars 2011, dressé dans l’opacité et la confusion par les thuriféraires à quelques semaines du scrutin de Mars 2011 recelait tout ce que notre pays a connu de contre-performance au plan économique et social. Ils étaient les seuls à être contents et à se féliciter d’un tel bilan.
Le bilan était aussi fait d’un chapelet de scandales avec de troublantes révélations faites par certains de ses collaborateurs qui étaient surtout au coeur de son pouvoir. Dans ces conditions, comment ne pas rappeler les conditions voulues calamiteuses de ce processus électoral de triste mémoire, conçu, planifié, organisé et exécuté avec la complicité de personnalités dont certaines devraient pourtant être les gardiens du temple. Un deuxième tour, mené dans la pure tradition de notre jeune démocratie n’aurait-il pas grandi notre pays et les Béninois? Sans aucun doute, un débat télévisé entre Boni Yayi et Adrien Houngbédji aurait aussi ajouté de la valeur à notre processus démocratique. Je rêve peut-être, mais n’est-il pas légitime de faire ce genre de rêve pour son pays? Chacun aurait présente son projet de société ou son programme politique, économique et social ainsi que sa vision et ses arguments pour faire advancer le pays. Chacun aurait également démontré son charisme et sa capacité de leadership et cet exercice aurait non seulement grandi les deux protagonistes, mais surtout servi de modèle à la jeunesse.
Si le Président Boni Yayi avait réellement de l’amour pour ce pays et pour son peuple, il aurait laissé le processus électoral se dérouler normalement et aurait lui-même déjoué le KO dans lequel résidait la survie politique et les intérêts bassement matériels de ces personnalités. Les grands Hommes sont ceux qui savent prendre leurs distances, au moment crucial, vis-à-vis de ces considérations purement politiciennes et égoistes. « Vanité des vanités, tout est vanité », dit-on. Le geste de l’ancien Premier Ministre Lionel Jospin est là pour nous édifier. Encore plus frais dans nos mémoires est celui de Nicolas Sarkozy dont tout le monde reconnait la valeur comme Homme d’Etat et qui vient de donner une leçon d’humilité après sa défaite au scrutin présidentiel du dimanche 06 Mai en France. Une telle chose ne se serait jamais produite dans le Bénin de Boni Yayi. Est-ce parce que la Constitution dit qu’on peut faire deux mandats présidentiels de cinq ans chacun qu’on doit passer obligatoirement dix ans au pouvoir? Le Président Soglo, de façon subtile a déclaré la semaine dernière a l’ouverture de la session du Conseil municipal de Cotonou, qu’on ne peut pas être au pouvoir juste pour le plaisir d’etre la, il faut produire des résultats. Oui, l’Etat moderne est exigence de résultats et appelle a un sens aigu de responsabilité de la part des gouvernants. C’est pourquoi il doit être gére presque comme une entreprise et quand on n’est pas capable de délivrer des résultats, il faut partir si on veut du bien pour son peuple. Il n’y a pas d’autres alternatives possibles.
En se comportant comme il l’a fait pour s’accrocher au pouvoir avec la complicité de ceux qui ont dressé le lit de l’imposture, le Président Yayi Boni apparaît aujourd’hui comme un candidat solitaire sérieux devant le tribunal de l’histoire, celle-là même qui est implacable, parce qu’il rend ses jugements au nom du peuple floué par la ruse de ses dirigeants. La manière dont le processus électoral de Mars 2011 s’est déroulé dans notre pays n’honore ni le pays, ni les organisateurs d’une telle infamie.
3. La saignée se poursuit
Les affaires politico-économiques qui jonchent la vie quotidienne de notre pays et les drames sociaux que vive la communauté nationale du fait des grèves à répétition des différents corps de l’Etat confrontés à la rudesse du prétendu dialogue social, démontrent à quel point la saignée n’est pas terminée. Qu’il s’agisse du dossier lié au disfonctionnement voulu de la filière cotonnière, du programme de vérification des importations (PVI) ou encore des tentatives de révision de notre constitution dans les conditions que tout le monde sait désormais, tous ces dossiers constituent l’illustration patente, d’une volonté délibérée et d’un choix de conduire le Bénin et son peuple dans le mur de l’incertitude économique et de l’instabilité politique, Car, que veut le Président de la République en gouvernant notre pays de la sorte? A –t-il un agenda caché ou pense t-il que le peuple est encore au début des années 1960? Lorsqu’on observe la manière dont les affaires publiques sont gérées dans notre pays aujourd’hui, on a de la peine à croire que ce sont des cadres qui sont au gouvernail. Quand on ajoute à cela le harcèlement des opérateurs économiques nationaux, créateurs de richesse et donc d’emplois, on est en droit de se demander si les dernières expéditions militaires à Allada et en haute mer pour s’accaparer des intrants de la Société SDI ne relevant pas de la volonté de créer un Etat hors-la loi qui met à mal la sécurité des investissements dans notre pays. “ Que veulent au juste le Président de la République et son gouvernement?”. Le Bénin est l’un des rares pays ou les gouvernants traitent les opérateurs économiques nationaux comme des adversaires que l’ on soumet à toutes sortes de supplices. Sébastien Ajavon, Patrice Talon et bien d’autres opérateurs économiques qui ont preféré garder le silence, font ainsi les frais d’un régime d’incohérence, de contradiction et de médiocrité jamais égalées dans l’histoire de notre pays, en matière de conduite des affaires publiques. Qu’est-ce qui nous vaut un tel sort? Ceux qui conduisent notre pays vers l’incertitude savent-ils que le pays nous appartient à nous tous ? Savent-ils encore qu’ils sont mandatés par le peuple pour travailler pour le peuple ou s’imaginent-ils le peuple à leur service?
4. Le Président n’est jamais au courant de rien
L’autre exploit (parmi tant d’autres) de ce régime, c’est aussi que le Président ne sait jamais rien et n’est jamais informé de rien. Inutile de revenir sur les scandales politico-économiques du premier quinquennat dont le Président n’est jamais au courant. Inutile encore de ressasser les affaires dont celle l’enlèvement d’Urbain Dagnivo qui faisait tellement de bruit que c’est après que tout le monde se soit presque tu que le Président dit qu’il venait d’en être informé. La suite on la connaît et c’est Dieu qui consolera les parents de la victime, tant ce dossier est passé a la trappe de l’oubli. Mais le plus ahurissant, c’est la révélation d’un membre du gouvernement qui a affirmé devant ses compatriotes, il y a quelques semaines que le Président des Béninois, n’avait pas lu le contrat PVI avant de signer le Décret portant sa mise en oeuvre. Trop, c’est trop! Si ce n’est pas un mépris pour le peuple, cela y ressemble fort bien.
5. La Justice écartée ou instrumentalisée
L’un des ingrédients de cette République en devenir, c’est l’isolement de l’appareil judiciaire. La Nouvelle Tribune a cité dans un récent article, la longue liste des scandales politico-financiers jamais portés en justice. Quel pays veut-on construire en tournant le dos à la justice? Quelle démocratie veut construire en écartant la justice des dossiers pourtant à relent pourtant judiciaire? Ainsi, le dossier ICC-Services était d’ordre administratif et traité comme tel comme l’est à présent le contrat PVI. Quand est ce que les nombreux scandales qui ont jalonné le premier quinquennat seront connus et traités par la justice de notre pays? Par contre, on est prompt quand on le veut, à instrumentaliser les responsables de la justice et même de grandes institutions d’Etat pour régler des comptes à des amis tombés en disgrâce parce qu’ayant refusé de se sacrifier ou de cautionner l’incompétence et l’incohérence.
Dans quel pays sommes-nous quand les populations ne sont jamais informées des résultats des enquêtes menées surtout à la suite des faits criminels? Christophe Houngbo, journaliste parlementaire émérite a disparu avec sa famille dans des conditions indescriptibles. Y-a t-il une instruction en cours pour éclairer tout au moins sa famille sur ce qui s’est passé afin qu’on évite le même sort à d’autres compatriotes? L’assassinat de Madame Bernadette Sohoudji Agbossou, ancien Ministre et pourtant membre de la mouvance présidentielle a- t-elle jamais été élucidé ou le sera t-il un jour sous ce régime? Cela fait peur et nous devons nous en préoccuper.
6. User de la ruse contre son peuple ne saurait jamais produire le résultat escompté
La ruse, c’est l’autre atout de ce régime, qui fonce, fonce et fonce encore, malgré la kyrielle de Conseillers politiques, économiques et autres, dont on ne doute plus de la responsabilité dans la déconfiture de la gouvernance de notre pays et l’échec global qui s’annonce, si les choses se poursuivent ainsi. Le projet de révision de la Constitution du 11 Décembre 1990 rentre dans la catégorie de cette ruse qui est utilisée pour s’accrocher au pouvoir, comme a été détournée, l’opportunité de la LEPI, pourtant conçue pour renforcer le processus démocratique. Un vrai gâchis du capital politique de ce pays et de ce peuple qui fait l’admiration des autres pays du continent en s’engageant, avec ferveur et espérance, dans la voie de la démocratie au début des années 1990. C’est dans la même logique que le President du PRD a été reçu au Palais de la Marina, a la veille du voyage du Chef de l’Etat aux Etats Unis. Une opération cosmétique pour se donner bonne conscience et montrer au Président d’un pays de Démocratie séculaire qu’on dialogue avec l’opposition dans son pays. Utiliser les autres comme faire valoir de sa randonnée, c’est ce a quoi nous astreint le Président et c’est cela sa conception de la démocratie. A quand la suite de la parodie de dialogue politique? Le dispositif de la ruse est encore mis en place dans le cadre de la correction de la LEPI. On vient de déclarer qu’on veut que l’opposition désigne un Chef qu’on veut consulter. A quoi veut-on user l’opposition après plus de six ans de lassants monologues et d’improvisations qui nous ont conduit dans le décor?
Mais la ruse face à un peuple innocent et travailleur, est comme du beurre au soleil. Comme le dit un adage bien de chez, nous, “On demande à Migan pourquoi il ne pleut pas. Il répondit que tôt ou tard, il pleuvra!”.
7. Finir avec la conspiration du silence
Le Bénin est l’un des rares pays au monde ou personne ne sait quel est le statut salarial du Président de la République. Est-il au dessus des lois de la République? Malgré des lettres adressées par des citoyens aux institutions pourtant chargées de veiller au bon fonctionnement des institutions de notre pays, c’est le silence plat. Même l’Assemblée Nationale, investie des pouvoirs suffisants pour se saisir de ce dossier au moyen d’une interpellation et d’une enquête parlementaire, ne semble pas réagir outre mesure. L’opposition, elle s’est aussi réfugiée, comme d’habitude, derrière son mutisme habituel, laissant le peuple à lui-même et à son sort. C’est une situation qu’on ne trouve que dans les pays qui ploient sous le joug de la dictature ou les institutions et les textes qui régissent leur fonctionnement n’existent pas, ou lorsqu’ils existent, ils sont rangés au placard, au profit d’une gestion par les humeurs du Prince, le mépris du peuple, la confiscation du pouvoir et la prédation sur les libertés publiques. La chasse à ceux qui osent dire que cela ne va pas fait aussi partie des pratiques. C’est une République de non droit ou seul compte par la force, la volonté du Prince et de ceux qui ne vivent et ne respirent que par lui.
Même s’ils ont mis du temps a réagir, certaines personnalités et institutions religieuses et laïques ont commencé à exprimer leur inquiétude sur le drame qui se joue dans notre pays et qui compromet dangereusement nos chances de nous hisser au niveau des pays qui retrouvent le chemin de la croissance en Afrique de l’Ouest. Qui l’eut cru? Des économistes et banquiers qui ont détruit l’économie béninoise et plombe les ressorts de la croissance économique. Ailleurs, ils auraient déjà par eux-mêmes rendu le tablier. Malheureusement et comble du ridicule, ils ont encore le courage et les ressources d’étaler avec arrogance, leur incurie devant les partenaires techniques et financiers qui ont osé porter des critiques objectives sur la gouvernance au Benin.
8. Ce qui nous arrive est-il notre sort?
Comme probablement des centaines de milliers de Béninois, je me refuse à croire que ce qui nous arrive relève de la fatalité. Ceux qui ont claironné à la conférence nationale que le peuple béninois a vaincu la fatalité, n’ont pas hésité à participer à l’installation d’un système qui envenime la misère des populations, sape les bases de notre économie et détruit les acquis démocratiques. S’ils sont contents de ce qui se passe, le peuple leur donne rendez-vous devant la justice de l’histoire. En attendant, les divers fronts qui symbolisent un début de sursaut patriotique pour que ce pays retrouve tous ses attributs de pays envie pour la vitalité de sa démocratie et la qualité de sa gouvernance sont a encourager et méritent notre soutien et notre solidarité. Aujourd’hui, la pauvreté s’est installée au sein des populations et aucune perspective heureuse ne pointe a l’horizon pour sauver l’économie et créer de meilleures opportunités pour les peuple de s’en sortir. L’émergence et le changement promis ont tourné au vinaigre. On est passé du changement à la refondation, n’est-ce pas mettre la charrue avant les boeufs?Le compte à rebours a déjà commencé pour ce régime!
Coffi Adandozan
Economiste planificateur Lille, France
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Bénin: Y a-t-il un Monsieur “Qualité à la Marina?
Que le Président Boni Yayi parle aux Béninois en des termes imprécis ou plutôt vagues, cela peut passer, étant donné que nous sommes entre nous et que les choses sont ce qu’elles sont chez nous. Mais depuis qu’il est devenu Président de l’Union Africaine, ses interviews sur Radio France Internationale gênent par leur aspect imprécis et approximatif. Sommes-nous toujours le Bénin connu pour la qualité de ses cadres et de leur production? Je me ferai le devoir de revenir sur certaines expressions que le Président utilise et qui donnent l’impression, qu’au sommet de l’Eta au Bénin, nous ne faisons pas assez attention aux détails qui vaillent et qui ont un sens et du poids pour l’image d’un pays. Le Bénin renferme assez d’intellectuels de grande qualité pour que nous continuions de projeter sur la scène internationale, l’image de l’approximation et de l’imprécision, dans notre communication avec l’extérieur, surtout quand nous parlons au nom d’une organisation continentale. Loin de moi, l’idée de critiquer pour critiquer, car, aujourd’hui dans notre pays, dire la vérité aux dirigeants sur la façon dont notre pays est conduit relève du crime de lèse-majesté. Mais cela ne saurait guère dissuader les personnes de bonne volonté, tant qu’il s’agira de l’image de notre pays qui est petit par sa taille, encore pauvre économiquement, mais qui est grand par la qualité de ces ressources humaines, hélas, mises sous l’éteignoir, en dehors de quelques larbins stipendiés pour vendre leur science à la politique politicienne, prétextant ainsi adhérer à la vision de la prétendue refondation.
“Un Rôle de Leadership” ou un Rôle de Leader?
Selon le Dictionnaire Larousse, le mot leadership renvoie à la qualité de direction. On dit sous le leadership (sous la direction). Dans sa dernière interview sur la RFI, le Président du Bénin, Président en exercice de l’Union Africaine et agissant au nom du Continent, appelle Monsieur François Hollande, nouvellement élu Président de la République Française et son pays à “jouer un rôle de leadership dans la gouvernance des affaires de ce monde”. A priori, ce message est peut être recevable et n’a rien de gênant quant au contenu et sera, on l’imagine, bien apprécié par le nouveau Président Français. Mais il se trouve qu’on ne peut dire “jouer un rôle de leadership”, mais plutôt, jouer un rôle de leader. On peut aussi dire, exercer son leadership. Venant d’un Président d’un pays comme le Bénin, qui plus est, Président en exercice de l’UA, cette interview devait faire l’objet d’une vérification, si on n’est pas sûr des mots qu’on veut utiliser.Meilleure gouvernance ou bonne gouvernance
C’est ainsi que depuis quelques semaines, on entend le Président et certains de ces collaborateurs immédiats parler de “la meilleure gouvernance”, s’agissant de la gestion des affaires publiques de notre pays. On a presqu’envie de pouffer de rire, quand on entend ces choses. Qu’appelle- t-on la meilleure gouvernance au Bénin? Les Béninois sont devenus coutumiers, depuis le 6 Avril 2006, d’invention et d’utilisation d’expressions et de mots ou concepts creux et inappropriés et non maitrisés par ceux qui les utilisent. Avons-nous déjà fait prévu de bonne gouvernance pour parler de meilleure gouvernance? Tenons-nous en au respect des principes de bonne gouvernance. Si la bonne gouvernance est comprise comme un ensemble des principes simples se rapportant à la gestion des affaires publiques, à l’organisation pratique de cette gestion, au respect des textes régissant le fonctionnement de l’Etat et à la manière dont l’Etat est géré pour répondre aux aspirations des populations, le Bénin en est encore très loin. Parler de la meilleure gouvernance dans le contexte actuel répond toujours à la logique des inventions stériles de mots et d’expressions qui ne traduisent aucune réalité concrète au Bénin et auxquelles le régime en place est abonné.Prendre le temps de faire son devoir de maison
Le Président de la République, comme l’exige la fonction, a certainement beaucoup de choses à faire et ne fait pas beaucoup attention aux détails. Mais il se trouve qu’il parle au nom de l’Union Africaine. Et il ne l’est pas, es-qualité. Il l’est d’abord et avant tout en tant que Président d’un pays, le Bénin. Et il y a une kyrielle de Conseillers au Palais de la Présidence qui sont payés pour épargner au Président de tomber dans des situations qui frisent l’impréparation et l’imprécision à ce niveau de responsabilité.C’est pourquoi en ces quelques mois où il doit assumer de telles responsabilités, il importe qu’il y ait un “ Monsieur Qualité Totale” au sein de la Marina dont le rôle sera de filtrer tout ce qui sort de la bouche du Président dont tout le monde sait qu’il n’est pas particulièrement doué en improvisation de discours.
Une telle approche aura l’avantage d’améliorer l’image non seulement du pays, mais de l’Afrique au nom de laquelle on prend la parole, à des occasions données. De façon plus concrète, je souhaite et propose que les interviews du Président de la République soient mieux travaillées et remuées sous toutes les coutures avant qu’il ne les accorde. Passent encore les choses approximatives qu’on entend sur les organes de presse internes, car on est à la maison. Mais de grâce, il serait hautement souhaitable que l’équipe qui entoure le Président fasse en sorte que les réponses aux questions, les expressions et mots qu’utilise le Chef de l’Etat, Président de l’UA ou non soient bien regardées et corrigées. Cela participe de l’image de notre pays et de la crédibilité de la fonction. Car ce que vous dites, la façon dont vous le dites et les mots que vous utilisez pour le dire, renseigne sur votre personnalité, votre degré d’organisation et votre capacité à faire attention à des détails qui comptent, surtout au sommet de l’Etat.
Au plan national, on se souvient, en dehors des mots utilisés à tort et à travers, de correspondances écrites et envoyées en plusieurs versions à des structures ou offices d’Etat dans le cadre de la suspension des primes. Le manque de précision et la qualité douteuse de ces communications n’honorent pas notre pays.
L’improvisation et la précipitation poursuivent leur petit bonhomme de chemin. Les thuriféraires du régime me diront qu’on ne mange pas les mots, que ce n’est pas ce qui compte pour un pays, mais plutôt ce que l’on réalise pour le pays. Ceci est un autre débat. Ce faisant, ils seront bien dans leur rôle et dans la logique conforme à leur choix de servir un homme, plutôt que leur pays. Mais il se trouve que le Président de la République a accepté d’exercer les fonctions de Président de l’UA ; il doit se conformer aux exigences qui en découlent. Y avait-il vraiment urgence à réagir aussi vite, à l’annonce des résultats du second tour de l’élection du Président de la République Française? Au nom de l’UA, ne pouvait-on pas mûrir ce qu’on voulait dire pendant 24 heures au moins, si tant est que l’improvisation ne nous réussit pas? On peut continuer de nous servir des discours dans n’importe quels termes comme plat local, mais de grâce, faisons notre devoir de maison avant de livrer à la consommation internationale, ce que nous prétendons dire au nom du Continent.
Coffi Adandozan
Lille, France
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